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Un Prince dans la Tourmente.

A l’occasion du 75e anniversaire du Débarquement et du premier anniversaire du Rappel à Dieu de Son Altesse Royale le Prince Michel de Bourbon Parme, Son Altesse Royale le Prince Charles-Emmanuel de Bourbon-Parme, son fils, a donné une conférence Un prince dans la tourmente, le 3 juillet 2019 à 20 h 00 précises dans la Salle de Conférence de L’Hôtel Mélia Vendôme, 8 Rue Cambon, 75001 Paris. Le Prince a dédicacé l’ouvrage de son Père

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Célébration en la cathédrale Saint Louis des Invalides

pour le Prince Michel de Bourbon Parme

le vendredi 13 juillet 2018

 

(1 Thessaloniciens 4,13-18 ; Psaume 22 ; Jn 14, 1-6)

 

 

Chers Amis,

 

Ce matin, en cette cathédrale Saint Louis des Invalides, nous sommes dans la peine. Mais nous nous retrouvons aussi et surtout dans la confiance, avec une ferme espérance. Parce que nous vivons cette célébration à la lumière du Christ, mort et ressuscité. Plus encore, parce que nous vivons nos existences à la lumière du Christ, mort et ressuscité. Et parce que nous savons que nous sommes invités chacun personnellement à ressusciter avec le Christ dans une éternité de lumière.

 

En priant ce matin pour le Prince Michel de Bourbon Parme, nous présentons sa vie au Seigneur. L’histoire d’une vie placée au cœur de l’histoire de l’Europe et du Monde. L’histoire d’une vie marquée par le drame des guerres et des totalitarismes. L’histoire d’une vie qui, noblesse oblige, a conjugué la grandeur de l’honneur, du service et de l’engagement avec la simplicité de celui qui, dépouillé de tout, ne préserva que l’essentiel de ce qui fait une vie d’homme.

 

Disons le simplement, Michel de Bourbon Parme est issu d’une famille fondatrice du continent européen. Il n’en tirait nulle vaine gloire mais fierté et devoir. Reprenons ses propres mots : « Je suis né à Paris le 4 mars 1926. Mon Père était le prince René de Bourbon-Parme, frère de Zita, dernière impératrice d’Autriche-Hongrie. Les Bourbons se déploient à partir de Robert de France, comte de Clermont, fils de saint Louis. Ils accèdent au trône avec Henri IV. Le fils de ce dernier, Louis XIII, a deux fils. De la ligne aînée, issue de Louis XIV, viennent d’une part la branche aînée française, héritière du trône de France jusqu’en 1830, d’autre part la branche espagnole, divisée en plusieurs rameaux, dont le rameau royal d’Espagne, celui des Deux-Siciles et celui de Parme. Ils règnent au Grand-Duché de Luxembourg et en Espagne depuis le 18ème siècle.

 

Ma mère était la princesse Marguerite de Danemark. Son grand-père était le roi Christian IX de Danemark (1818-1906), surnommé « le beau-père de l’Europe ». Il eut six enfants : le roi Frederik VIII de Danemark, la reine Alexandra d’Angleterre, le roi Georges Ier de Grèce, l’impératrice Dagmar de Russie, la duchesse Thyra de Cumberland et le prince Valdemar de Danemark, mon grand-père. Parmi les petits-enfants de ce fameux Christian IX , citons Nicolas II de Russie, George  d’Angleterre, Constantin Ier de Grèce, Christian X du Danemark et Haakon VII de Norvège. »

 

 

Et Michel d’ajouter : « cet arbre généalogique ne doit pas cacher la forêt du quotidien. Celui-ci n’était ni luxueux ni fastueux. Je m’en félicite aujourd’hui car je n’aurais jamais supporté les épreuves qui m’attendaient si j’avais été élevé dans le coton et le cristal ». Et les épreuves n’ont pas manqué. Dès 1940, il connaît avec sa famille l’exil, en Espagne, puis aux États-Unis. En 1942, à l’âge de 16 ans, il cherche depuis New York à rejoindre l’armée française. L’engagement sera effectif l’année suivante au sein des forces américaines. Après sa formation de base, Bill Casey, futur directeur de la CIA, le recrute pour l’OSS, l’Office of Strategic Services. L’objectif principal était  le parachutage  derrière les lignes allemandes de petits groupes afin d’y mener une guerre de coups de main. Il s’agissait des précurseurs de ce que l’on appelle aujourd’hui « les forces spéciales ». Cette opération, du nom de « Jedburgh », fut l’un des épisodes les plus confidentiels et les plus méconnus de la seconde guerre mondiale.

 

Des équipes de trois hommes, dont l’un au moins originaire du pays où se déroulerait l’action, avaient pour mission d’assurer la liaison avec les groupes de résistance armée, de collecter du renseignement, d’organiser les parachutages, d’entrainer les maquisards et d’empêcher ou de retarder l’acheminement des renforts allemands vers la Normandie après le débarquement allié. Le tout en pratiquant harcèlement et sabotage. C’était une nouvelle forme de chevalerie, en uniforme pour bénéficier de la convention de Genève, et en armes pour susciter et guider le soulèvement populaire. Michel est ainsi parachuté le 7 juin 1944 à Aurillac pour ralentir la division Das Reich. Il est  probablement l’un des derniers, si ce n’est le dernier des « jeds » français. Des hommes qui constituent ce que l’on a coutume d’appeler l’élite d’une Nation.

 

Puis en août 1945, en Indochine, Michel qui s’est de nouveau porté parachuté volontaire, est capturé par les Viet-Cong. En captivité durant plus de 8 mois, il subit les pires tortures et est même fusillé à blanc plusieurs fois. Prisonniers au nombre de sept, après deux tentatives d’évasion, ils ne furent seulement que deux à réussir à s’en sortir vivants… Des héros, tout simplement.

 

Le Prince Michel de Bourbon Parme a ainsi conjugué dès l’âge de 17 ans la plus illustre noblesse d’extraction avec la plus grande noblesse de conduite. La hauteur de vue et le sens du service. Le courage physique et la fraternité d’armes. L’élévation la plus absolue avec la réalité la plus acérée. Les fréquentations les plus brillantes et les épreuves les plus inhumaines. A l’âge de 20 ans, il avait déjà connu le meilleur et éprouvé le pire de ce qu’un homme peut endurer.

 

 

« Never explain – never complain » : Michel de Bourbon, armé de ce sang et de cet esprit, s’est engagé dans son siècle avec à la fois l’élégance de celui qui est revenu de l’enfer et le détachement de celui qui sait à jamais discerner l’essentiel d’une vie. D’où peut-être son caractère, jugé parfois peu démonstratif mais qui révélait une extrême pudeur. Pour lui, « vous commenciez à avoir un problème seulement lorsque la vie est en danger ». Il avait désormais choisi de croquer chaque jour l’existence pour le meilleur de ce qu’elle offre. Survivant au drame, il savait mieux que personne qu’ « aujourd’hui appartient à Dieu » selon la belle devise de sa famille. Carpe Diem : d’où les courses automobiles et les régates, la chasse et la table, l’humour et le détachement, pour mieux dire ce que l’on désire taire…

 

Michel de Bourbon Parme dispensait à autrui générosité, bonté et bienveillance. Accordant à chacun, quel que soit son âge ou son statut, une écoute attentive et le partage de son temps. Sa qualité d’intense et exclusive présence à l’autre était remarquable, comme si rien ne devait être perdu de la profondeur de chaque instant et de chaque rencontre.

 

Par son prénom comme par son nom, par sa famille comme par son engagement personnel, Michel de Bourbon Parme a été un artisan de la construction européenne : chaque fête de famille en était la vivante illustration. La devise de l’Union Européenne est « unité dans la diversité ». Toute unité authentique vient de la richesse des diversités qui la composent, à l’image d’une famille qui est d’autant plus unie que chacun des siens peut être, sans crainte, davantage soi-même. Il faut toujours se souvenir de l’architecture propre de l’Union Européenne, basée sur les principes de solidarité et de subsidiarité, de sorte que l’aide mutuelle prévale.  C’est exactement ce que les Bourbons vivent en Europe depuis toujours, sachant se tenir les coudes de la plus belle manière aux heures sombres, et préservant jalousement leur indépendance au quotidien des jours.

 

Son indépendance, Michel l’a gagnée dans la vie des affaires, notamment avec le proche et le moyen orient, dont une complicité avec le shah d’Iran qui marqua les relations entre nos deux pays.

 

Aux heures sombres, Michel venait trouver le réconfort de l’Église. Lors du retour à Dieu de deux de ses deux filles, Inès, puis Victoire, il manifesta pleinement sa dimension spirituelle. Lui pour qui les êtres étaient liées par quelque chose de plus fort que la mort, était habité  par le sens de la transcendance.

 

Ainsi, plus que tout, simplement, Michel était un chrétien : il se savait enfant bien aimé du Père, aimé de Dieu non pour ce qu’il a ou pour ce qu’il fait ou encore pour ce qu’il sait, mais pour ce qu’il EST. Seul cet être demeure. Cet être reçu de Dieu et appelé à demeurer en Dieu pour l’éternité. Un amour absolu qui aime absolument, sans condition, parce qu’il est notre Père et que nous sommes ses enfants. Cela s’est traduit ces derniers jours à l’hopital américain de Neuilly. Il y a reçu la visite d’un prêtre ami de la famille et le sacrement des malades. Il a tenu à faire une nouvelle fois le signe de la croix. Il a articulé dans un souffle le Notre Père, en un moment fondateur de paix et de sérénité, entouré de ses proches.

 

Si nous sommes vainqueurs de la mort, c’est par Jésus-Christ en qui tout est donné. C’est par amour que le Christ a vaincu la mort, un amour éternel et tout puissant qui est le nom même de Dieu : Dieu est amour. Et nous savons bien que l’unique, le grand commandement, est celui de l’amour de Dieu et du prochain. L’amour de Dieu est plus fort que tout, plus fort que nous-mêmes, plus fort que nos peurs et que notre péché, plus fort que toutes les réalités créées de ce monde. Il ne nous est demandé qu’une seule chose : aimer en esprit et en vérité. C’est à dire en acte, concrètement, avec l’aide du Christ, de l’Église et des sacrements. Car tout seul nous n’allons pas très loin, nous ne l’expérimentons que trop.

 

Michel durant toute sa vie a voulu aimer, avec son tempérament et son cœur - et nous savons que le Seigneur de toute grâce et de toute bonté accueille chacun comme il est : « dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ». Nous n’ignorons pas  que sa vie, comme toute vie humaine, a besoin devant Dieu d’être pardonnée, d’être purifiée, d’être transformée. Mais nous savons aussi et surtout que le Seigneur est tendresse et pitié, que son amour sur ceux qui le craignent est de toujours à toujours.

 

La seule question que le maître de l’univers nous posera au terme de notre existence terrestre tient en peu de mots : « As-tu aimé » ? Mais Seigneur, comment faire ? Seigneur, nous aussi voudrions aimer par toute notre vie, et sentons combien cela est difficile. Seigneur, comment pourrions-nous connaître le chemin ? « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. » nous dit Jésus. 

 

Oui, Jésus, fils de Dieu, s’offre à nous pour nous conduire vers le Père. Puissions-nous le prendre pour guide de nos vies. Ce matin confions Michel à la miséricorde aimante, purifiante, transformante de Dieu. Ce matin confions-nous totalement à cet amour prévenant du Seigneur, du plus profond de notre être.

 

Ayons l’humilité de nous tourner vers la Vierge Marie, elle qui ne cesse de nous conduire vers son fils : « Je vous salue Marie, pleine de grâce. Le Seigneur est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort ».

 

« Maintenant, et à l’heure de notre mort »… Pour qu’en nos vies, sur cette terre, puis au-delà, rien, jamais, ne nous sépare de l’amour de Dieu.

 

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Amen

+ Antoine de Romanet

Evêque aux Armées françaises

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